Méthode des loci

Il s'agit d’une méthode de mémorisation adaptée lorsque l'on souhaite retenir un grand nombre d’informations. Elle peut servir pour mémoriser tout (cartes, nombres, liste de courses...), mais nous verrons dans ce tutoriel comment l’appliquer au big blind et multi-blind.

 

L’idée est que notre mémoire spatiale est plus performante pour mémoriser un grand nombre d’informations qu’une mémoire “abstraite” (mots, sons…)

Le principe de cette méthode est de “placer” les objets dans des lieux que nous connaissons bien, et de visualiser les  objets dans ces emplacements.

 

On raconte que la méthode des loci fut inventée par le poète grec Simonide de Céos. Invité à un banquet organisé dans un palais, il s'absenta quelques instants et échappa de justesse à l'effondrement de celui-ci. Tous les convives périrent, et les familles ne purent identifier les corps et effectuer leur deuil. Néanmoins, le poète se souvint de l’emplacement de chaque invité avant le drame en visualisant la salle du festin. Il put alors identifier chaque victime.

 

Elle est aujourd’hui connue sous le nom de “Roman rooms”, “Palais de mémoire” ou encore de “Méthode des loci”.

Construire son palais

On choisit un endroit qui nous est familier. Ça peut être la maison où vous vivez, votre lieu de travail, un trajet que vous connaissez bien. L’essentiel est de bien pouvoir visualiser l’endroit et être capable de vous y repérer spatialement.

Cet endroit sera découpé en plusieurs “rooms” (chambres) successives, et dans chaque room, se situent plusieurs emplacements (loci). Dans chacun des emplacements, vous pourrez placer un ou plusieurs objets ou personnages associés à votre mémo. On choisira de mémoriser un objet par paire de lettres, car cela permet de réduire le nombre d’objets à mémoriser par deux

 

Le principe de cette méthode est de placer les objets dans les différents emplacements des différentes rooms au cours d’un trajet bien défini, et de parcourir ce trajet pour retrouver les informations mémorisées.

 

Le choix du nombre d’objets par emplacement, d’emplacement par room et de rooms est personnel. En big blind, on peut par exemple choisir de mettre un type de pièce par room. Ce choix se fait par tâtonnements après plusieurs essais, jusqu’à arriver à la répartition qui nous convient le mieux.

 

Mais un exemple vaudra certainement mieux :

Exemple

Prenons l’exemple d’un cube 3x3 dont les cycles sont WN MU AR PG DO F (arêtes) et GI QX MJ V (coins).

 

Dans le première room, disons ma chambre, j’ai 5 loci : le lit, une étagère, la fenêtre, le bureau, puis le seuil de la porte. Je vais utiliser 3 emplacements de deux paires pour les arêtes et 2 emplacements de deux paires pour les coins. Le cube sera mémorisé dans cette pièce.

 

Je rentre dans ma chambre, et dans le lit, je vois Winnie l’ourson (WN) endormi, qui ronfle, barbouillé de confiture de mûre (MU).

Je me tourne ensuite vers l’étagère, où un arbre (AR) est en train de pousser ! Mais cet arbre porte des fruits étranges : des balles de ping-pong oranges (PG) qui se balancent et s’entrechoquent dès qu’il y a le moindre courant d’air...

...car la fenêtre est ouverte. Je m’approche pour la fermer quand je m'aperçois qu’un potiron (PO) est posé sur le rebord, juste à l’extérieur, et qu’une fée (F) essaie de le transformer en carrosse.

Après avoir fermé la fenêtre, je suis surpris par la présence d’un soldat américain (GI), qui mange une part de quiche (QX) avec ses mains, nonchalamment assis sur le bureau, et qui s’en met partout.

En me dirigeant vers la porte, je croise Michael Jackson (MJ) qui entre en moonwalk. Je lui dis que je suis étonné de le voir en vie (V) .

 

Je peux ensuite me diriger vers la prochaine pièce pour y “placer” un autre cube.

Conseils

Cette méthode est peu intuitive au premier abord, et c'est normal : on ne voit pas en quoi rajouter des informations (ici les détails de chaque room) pourrait aider notre cerveau à se rappeler d'images complètement indépendantes. C'est justement là que se cache l'un de ses secrets. Le cerveau se souvient bien mieux de liaisons entre images que de détails séparés. Sachant cela, quelques conseils peuvent être donnés.

 

La première chose à retenir, c'est l'importance du lien que l'on crée entre les images. Il ne suffit pas de placer deux d'entre elles côte à côte et espérer que notre mémoire fasse le reste : tout est dans notre capacité à élaborer l'impensable. Dans l'exemple, une paire d'image doit lier un arbre à une balle de ping-pong. Plutôt que d'imaginer cette dernière au pied de l'arbre, il est judicieux d'en imaginer une multitude accrochées au bout des branches. Mais cela ne s'arrête pas là : on introduit l'idée d'un courant d'air (qui n'est pas anodine lorsque l'on se place devant un arbre) pour imaginer un mouvement des branches et des balles. On remarque alors un détail très important : il est tout à fait possible, et même très recommandé, d'utiliser d'autres sens que la vue. Ici, on peut s'imaginer le bruit des balles de ping-pong qui s'entrechoquent. Plus loin dans la mémorisation, lorsque l'on rencontre Michael Jackson, on peut imaginer en fond le refrain de Thriller, Beat It ou un autre de ses tubes célèbres. De même, lorsque le soldat américain mange sa quiche, on peut percevoir l'odeur que dégage cette dernière à la sortie du four.

 

De manière générale, le terme à retenir est la visualisation. Il faut réussir, quand on pratique cette méthode, à se représenter tous les détails visuels possibles, en particulier ceux qui concernent le lien avec nos rooms. Dans le paragraphe précédent, on a vu la puissance du lien à offrir entre les deux, trois ou même quatre images pour n'en former qu'une seule. Mais il est aussi important de construire des détails qui permettront d'ancrer cette grande image dans nos loci. Par exemple, la première image de la mémorisation présente Winnie l'ourson dans le lit : il alors bienvenu de s'imaginer les plis que le personnage créée dans le lit. On peut même imaginer ce dernier céder sous le poids, et entendre le fracas que cela engendrerait : on retrouve les mêmes idées que précédemment concernant le degré de fantaisie à offrir. Autre exemple : lorsque le potiron est placé sur le rebord de la fenêtre, on peut se représenter les saletés qu'il provoque sur les vitres. Ces liaisons à créer avec les rooms sont importantes, car ce sont elles qui permettent la résurgence des images lorsque l'on revient mentalement dans nos salles une demi-heure après la mémorisation.

 

Enfin, cette méthode a la chance d'être très vaste et offre beaucoup de possibilités. Il serait dommage de ne la réserver qu'au monde du cube ! Tout est source d'entraînement. En faisant les courses, on peut chercher à mémoriser tous les éléments de la liste. En randonnée, on peut s'amuser à placer différents objets sur le chemin, et tous les retrouver sur le retour (sauf si c'est une boucle, mais bref). Au lycée, je mémorisais une partie de mes cours d'histoire avec cette méthode, notamment la structure du cours et la chronologie des événements.

 

Les résultats ne viendront pas tout de suite : lorsque j'ai commencé, je me fatiguais très vite et je ne me souvenais que partiellement des images. Pas de panique ! Beaucoup imaginent la mémoire comme innée, mais il n'en est rien. Il s'agit d'un muscle (très puissant d'ailleurs) qui ne demande qu'à être travaillé. Lorsque l'on voit les premiers résultats, on ne peut plus s'en passer !

 

Co-écrit par Maxime Clapié.